L’actrice en ce moment à l’affiche de L’Amour Ouf s’est confiée sur le tournage «douloureux» du film qui a propulsé sa carrière et la toxicité de son réalisateur.
Aujourd’hui, à 30 ans,Adèle Exarchopoulosa le même franc-parler que lorsqu’elle a percé au cinéma à seulement 20 ans, mais désormais, elle sait reconnaître un terrain miné. Dans une interview accordée àParis Match,publiée ce mercredi 23 octobre, l’actrice revient sur sa collaboration avec Abdellatif Kechiche, le réalisateur de La Vie d’Adèle. Un sujet sensible en raison des scandales qui ont éclaté après la sortie du film en 2013, pourtant sacré de la Palme d'Or à Cannes la même année. Adèle Exarchopoulos avait alors 10 ans de moins et son premier succès au cinéma s’accompagnait de commentaires sur le climat lourd du film et les comportements proches du «harcèlement moral» qui avaient régné lors du tournage.Avec sa partenaire à l’écran, Léa Seydoux, elles avaient même confié au Daily Beast qu’elles ne retravailleraient plus «jamais» avec le cinéaste.
Une forme de manipulation acceptée
Interrogée sur les récentes affaires deviolences sexuellescommises par des cinéastes, notammentJacques DoillonetBenoît Jacquot, l'actrice l'affirme: «On ne peut pas les comparer à Abdellatif Kechiche». Si elle reconnaît volontiers que le réalisateur «dépassait tout, tout le temps, les horaires, le calendrier, la gestion des gens», elle affirme ne rien regretter. «Je ne me suis pas sentie blessée par ce qui pouvait se dire sur le plateau, et si c'était à refaire, j'y retournerais», va-t-elle jusqu'à affirmer à Paris Match.
Pourtant, elle décritune relation on ne peut plus toxique, mais dont elle garantit avoir été consciente. «Le dépassement de soi, ce qu'il a attendu de Léa (Seydoux ndlr) et moi, cette forme de manipulation, je l'ai accepté dès le départ, dit-elle. C'est ce qui s'est passé après le film qui m'a fait très mal. Là, j'ai compris que, pour lui, le cinéma comptait plus que la fraternité et l'image plus que la vérité. Ce qui est sûr c'est qu'aujourd'hui il ne pourrait pas tourner La vie d'Adèle dans les mêmes conditions qu'à l'époque.»
Une connexion malsaine
Si Adèle Exarchopoulos a poursuivi sa carrière dans le cinéma après avoir travaillé avec Kechiche, elle confie avoir eu du mal à se sortir de l’emprise qu’il avait eue sur elle lors du tournage. «Après La vie d'Adèle, je me souviens d'être arrivée sur les plateaux en me disant: «Il est où, Abdel?» Il avait réussi à imposer une telle connexion entre nous… À la fin, il claquait des mains, je fondais en larmes. Cela peut paraître malsain, mais je comprenais tellement où il voulait que j'aille, comment il voulait que j'y parvienne. J'ai passé six mois sur son tournage, sans vraiment savoir quand il se terminerait. Je ne me projetais pas dans la fin. C'était vertigineux.» «Je sais qu'il y avait une forme de soumission, mais pas d'emprise, ajoute-t-elle. Même si j'ai senti plein de tentatives…»
La vie avant le cinéma
Forte d'avoir depuis collaboré avec d'autres réalisateurs, l'actrice transige également moins qu'avant lorsqu'il s'agit de critiquer les méthodes du réalisateur belge. «Travailler avec Gilles Lelloucheet Alain Chabat m'a montré que l'on pouvait tourner des scènes complexes dans une super bonne ambiance, explique-t-elle. Et moi, je sais que plus j'aime, plus j'ai envie de donner. Kechiche pose une vraie question: jusqu'où va-t-on pour l'art? Ma réponse sera toujours: la vie avant le cinéma.»
Onze ans après ce film qui a propulsé sa carrière, une carrière florissante devant elle, Adèle Exarchopoulos est claire sur ce qu'elle ressent vis-à-vis d'Abdellatif Kechiche comme de cette expérience. «Je ne me sens pas redevable, je me sens reconnaissante», dit-elle à Paris Match tout en reconnaissant que «le tournage a été douloureux, ça, je ne pourrais jamais le nier».
Reconnaissante donc, mais de loin, l’actrice affirme ne «plus spécialement» avoir de liens avec le réalisateur. Mais en sous texte on se demande si la porte ne reste pas ouverte, à condition de faire amende honorable. «La seule chose que je peux reprocher aux gens, c'est de ne pas se remettre en question, dit-elle. Il y a un moment où il faut s'asseoir et se dire: «Si des comédiens ont eu mal, est-ce que je peux l'entendre?» Et juste dire «pardon». Abdel ne l'a jamais dit.»